John Tra a écrit :
>
>
> A mes amis francais d ela liste, puisqu'il faut se
> dire la verite, je vais vous dire que j'ai ete
> franchement surpris du manque de support pendant la
> crise ivoirienne. J'attendais un peu de chaleur, de
> denonciation des tueries, ne serait ce qu'en faisant
> un peu semblant. Juste un peu! Ca aurait rechauffe mon
> coeur. Mais ca ete silence sur toute la liste. Alors
> que nous sommes ensembles depuis longtemps. A quoi
> sert les amis, si ce n'est en temps de peine? J'ai
> vraiment ete surpris.
> Mais ca ira!
C'est vrai, mais peut-être que tes prises de positions, pas des plus
impartiales en, ont refroidit certain. Le régime Gbagbo n'est pas blanc comme
neige.
Et puis on n'a pas tellement parlé des présidentielles du Togo récemment non
plus.
Tenez j'ai fait un site pour Survie Lorraine, et une page un peu critique sur
le film Le Cauchemar de Darwin, qui a un certain succès, aui parait être une
certaine révélation pour certains spectateurs, et dont on n'a pas non plus
parlé.
C'est l'équivalent de 2 pages de texte, je vous les mets ci-dessous :
Mathias
******************************************
http://survie.lorraine.free.fr/documents/cauchemardarwin.htm
Le documentaire-enquête "Le cauchemar de Darwin" connait un succès important.
On y retrouve plusieurs aspects de ce qui fait la raison d'être du combat de
Survie. Trafics inéquitables et criminels, faiblesse de l'état, grande
pauvreté... Est-ce un cas typique de ce que nous voulons dénoncer ?
Je vous propose quelques commentaires et critiques plutôt personnelles sur le
film.
Le fil directeur du film est la pêche de la Perche du Nil, poisson introduit
dans ce très grand lac tropical il y a une 40aine d'années.
Au fil de l'enquête, on aborde les questions du dégât écologique, du sida, de
la prostitution, des enfants des rues, de la famine dans le pays, et du trafic
d'armes ; la construction du film suggérant fortement des liens entre toutes
ces questions.
Du point de vue écologique, l'introduction d'une espèce qui devient "invasive"
modifie le milieux et donc c'est une destruction de l'ancien équilibre. On en a
de nombreux autres exemples ailleurs dans le monde (algue taxifolia en
méditerranée, lapin en Australie...)
Point important, ce n'est pas l'activité économique actuelle de pêche de la
perche du Nil qui cause une destruction écologique, ce qui est une grosse
différence avec l'exploitation des forêts anciennes par exemple, qui concerne
plusieurs pays d'Afrique.
Cette introduction est principalement expliquée par un "film dans le film",
projeté lors d'une rencontre internationale sur le lac Victoria. Le ton et la
présentation de ce passage sont très suggestifs ; la perche du Nil est un
"carnassier" ; on comprend facilement "méchant destructeur". Or la plupart des
poissons qui ont un intérêt gastronomique sont des carnassiers : truite saumon,
brochet, bar, thon...
D'après les réactions des spectateurs, plusieurs ne croient pas que cette
espèce ait pu être introduit par le simple déversement d'un seau de poisson.
Quelle qu'ai pu être l'idée de ceux qui ont commis cette introduction, celle-ci
est techniquement très simple et il n'a pas fallu plus de quelques lapins pour
en faire des millions en Australie.
Les populations et espèces de poissons indigènes existant avant cette
introduction ont été bouleversées. Dans ces situations, la diversité biologique
tend à diminuer, mais la quantité, la "biomasse" de poisson dans le lac n'y est
pas directement liée.
Une intervenante qui évoquait le film sur France-Inter disait que la perche du
Nil ayant détruit ses proies, développe le phénomène de cannibalisme, ce qui
détruira bientôt la ressource.
Dans le "film dans le film" qui présente en anglais la question de
l'introduction de la perche du Nil, le cannibalisme de ce poisson est en effet
évoqué et présenté comme inquiétant.
Le cannibalisme est assez banal chez les poissons. En pisciculture intensive de
truite, c'est en partie la raison pour laquelle on trie plusieurs fois les
poissons qu'on élève, pour que, de taille homogène, ils ne puissent pas se
manger les un les autres.
Cela existe aussi dans le milieux naturel ou semi naturel dans certaines
conditions. Cela ne compromet pas la survie de l'espèce (à l'opposé un poisson
peut produire des milliers de petits). Il doit y avoir du cannibalisme chez la
perche du Nil du lac Victoria, mais les extrapolations que peut en faire un
profane en écologie comme cette intervenante sur France-Inter, (comme
certainement une bonne part des spectateurs) sont fausses.
Enfin du point de vue ressource alimentaire, les spectateurs sont amenés à
penser que le poisson présent avant l'introduction était une ressource pour la
consommation locale, ressource maintenant perdue. Ce qui n'est pas dit dans le
film. On y voit des industriels et politiques qui disent le contraire, à savoir
que la perche du Nil est une chance, une ressource économique, mais dont la
parole n'est pas présentée de manière à apparaître crédible. Et on n'a pas
d'indications sur la ressource en poisson pour la consommation locale avant et
après l'introduction de cette espèce. Autrement dit l'idée que ce poisson ai
fait diminuer la ressource halieutique globale du lac est incertaine, et la
relation peut être inverse.
Il y a ensuite la question de l'exportation de ce produit alimentaire d'un pays
où la famine n'est pas loin. Cela rappelle d'une part la question des cultures
de rentes ou d'exportations qui ont été souvent imposés dans les pays en
développement au détriment des cultures vivrières, au prix d'une grande
vulnérabilité aux circuits de commercialisation et à la conjoncture
internationale, et sous-entend une certaine théorie des vases communicants (si
on coupait les exportations de poisson, il y aurait plus à manger en Tanzanie).
Cette théorie est démentie et attaquée en d'autres situations : l'exportation à
bas prix de produits alimentaires vers l'Afrique qui peut y désorganiser les
filières de production locale. (compagne " l'Europe plume l'Afrique " d'Agir
Ici)
On peut critiquer du point de vue développement durable au niveau mondial le
fait de transporter en avion du poisson sur de si longues distances, mais le
fait qu'il y ai une ressource renouvelable à forte valeur ajoutée qui soit
exportée, c'est a priori positif. La question étant ensuite les conditions de
ce commerce.
La misère des enfants des rues qui l'on voit se droguer, se battre pour de la
nourriture, est un autre thème du film. Ces images font contraste avec
l'ambiance confortable des bureaux de l'entreprise de transformation du
poisson, d'une réunion avec un représentant de l'UE, ou une rencontre
internationale régionale à propos du lac.
La situation de ces enfants est malheureusement banale à l'échelle des pays
pauvres au niveau mondial, jusqu'en Europe. Les ravages du sida dans cette
région semblent contribuer fortement à créer des orphelins, qui ne sont pas
pris en charges par un réseau familial ou des institutions gouvernementales peu
développées.
Les personnes de la rue interrogées sont dites souvent "de famille de pêcheur",
mais dont le père est parti ou mort. On voit et on interroge très peu les
pêcheurs eux-même, comment ils voient leur activité et comment ils en vivent.
Le lien entre ces drames et l'activité de pêche et d'exportation consiste
principalement en ce que cette zone d'activité attirant de nombreux
travailleurs venant de l' "arrière pays" la prostitution s'y développe aussi et
contribue à l'épidémie de sida.
Après "filetage" pour l'exportation, les carcasses et têtes du poisson sont
récupérées pour la consommation locale. L'image de ces " déchets ", et le
contraste des conditions d'hygiène entre l'usine de filetage et le transport en
vrac, le dépôt des carcasses sur des structures bricolées en bois choque.
Pourtant il est facile d'expliquer que l'importation de ce poisson en Europe
devait être conditionnée à l'existence d'ateliers de transformation aux normes,
tandis que le traitement des carcasses se fait de façon improvisée, avec
certainement une part de pratique traditionnelle de séchage. La chair restant
sur les carcasses serait traitée en Europe de façon plus asseptisée, ici
l'image et le symbole sont frappant : les tanzaniens n'ont que les restes de la
ressource de leur pays.
Il est à noter que le poisson semble pêché par des pêcheurs indépendants et
qu'en dehors de cette récupération, une part du produit de la pêche " brut " va
probablement à la consommation locale (seuls les filets traités en usine de
transformation étant réservés à l'exportation).
Ayant entendu le réalisateur sur France-Inter, dans un sens, sa position m'a
parue plus pondérée que celle des spectateurs qui sortent de son film,
concernant en particulier le revenu correct, rapporté au pays qu'ont les
pêcheurs et employés de l'industrie de transformation de poisson.
L'exploitation de cette ressource ne me paraît pas du même ordre que celle du
pétrole ou de ressources minières dans d'autres pays, qui est souvent opérée de
bout en bout par des entreprises étrangères au pays à qui appartient la
ressource, et dans des conditions financières d'exploitation le plus souvent
opaques et inéquitables.
Reste le tableau de ces pilotes russes, qui certainement ramènent des armes sur
le trajet Europe-Afrique. D'après les autres destinations qu'ils évoquent,
(Afghanistan, RDC...) on devine qu'ils ont souvent un rôle d'auxiliaires
mercenaires. Et l'Etat Tanzanien qui semble absent et passif face à ces trafics
(un policier que fait la sieste à l'aéroport). Et puis un vigile, ancien
combattant, qui explique pourquoi il aime faire la guerre, et qu'il la
souhaite...
Voilà, en résumé le documentaire montre la pauvreté, les ravages du sida, le
trafic d'armes et la guerre (autrefois en Tanzanie, maintenant dans d'autres
pays) mais quant à la pêche et à l'exportation de poisson, je n'ai pas été
convaincu des nuisances de cette activité pour le pays, je dirais même que je
ne suis pas d'accord avec la majorité de ce que suggère le film, et je ne
m'interdirai pas d'acheter de la perche du Nil. Cet ensemble de suggestions me
gêne dans le film. Il me semble qu'il vaut mieux comprendre et faire comprendre
la réalité que susciter des impressions mal fondées. Cela sans banaliser le
drame du sida, des enfants des rues et du trafic d'armes.
Quand des jeux de comptabilité détournent des sommes gigantesques de pays dont
une grande partie de la population survit sans sécurité et sans avenir, voire
meurt de faim ou de violence (voir par exemple le cas de l'Angola décrit dans
le Dossier noir n°18 http://survie.lorraine.free.fr/publication.htm ), il n'y a
plus de symboles.
Quand cet argent est tiré des ressources pétrolières ou minières d'un pays, de
l'endettement et d'une aide au développement opaque, on croirait qu'il n'est
pas volé aux citoyens de ce pays, puisqu'il ne les a jamais concerné de près.
C'est beaucoup plus abstrait qu'une cargaison de poisson qui s'envole de
Tanzanie vers l'Europe, mais c'est pourtant cet argent qui manque aux états
africains pour assurer eux-même leurs missions de base envers leur citoyens :
justice, sécurité, éducation, accès aux biens fondamentaux, à côté d'une
activité et d'une production économique qui ne soit pas sapée et rackettée par
une logique de clan et de captation de rente.
Il y a des ressources naturelles dont l'exploitation est réellement et très
gravement destructrice du point de vue écologique, ainsi que du point de vue
des ressources et de l'environnement des populations : c'est le cas de
l'exploitation des forêts anciennes tropicales. Vous pouvez consulter à ce
sujet la page forêt. http://survie.lorraine.free.fr/documents/forets.htm
Mathias
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