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Re: la part de la France

To: John Tra <jtra00@yahoo.com>, afrique@univ-lyon1.fr
Subject: Re: la part de la France
From: John Tra <jtra00@yahoo.com>
Date: Mon, 30 Sep 2002 08:48:55 -0700 (PDT)
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  La France s'engage à reculons
(Liberation 30/09/2002)


En Côte-d'Ivoire, la France est prise au piège. Depuis le génocide du Rwanda, en 1994, Paris essayait de se tenir à l'écart des crises africaines. Contrainte et forcée, elle y replonge aujourd'hui, alors que ses capacités d'actions ne sont plus les mêmes qu'autrefois. «Soutien logistique» à l'armée gouvernementale d'un côté, «contacts» avec les «mutins» pour l'évacuation des ressortissants étrangers de l'autre, le grand écart français devient douloureux.

Alors que la presse d'Abidjan se déchaîne contre la France, l'accusant de laisser faire les «terroristes», Paris a accepté samedi de fournir une aide logistique au gouvernement de Laurent Gbagbo. Depuis 1961, les deux pays sont liés par un accord de défense, dont certaines dispositions concernant le «maintien de l'ordre» restent couvertes par le secret. «Notre soutien ne s'inscrit pas dans ce cadre, précise le porte-parole du ministère français de la Défense. Il s'agit de coopération militaire.» Concrètement, la France va fournir «dans les prochains jours» des véhicules de transport, des moyens de transmissions, des rations alimentaires et des trousses de premiers soins. «Cela vise à permettre à l'armée ivoirienne de s'organiser un peu mieux», précise-t-il.

Armée en déliquescence. «Pas question en revanche de se substituer à l'armée ivoirienne», précise-t-on au Quai d'Orsay, où l'on insiste sur la signification politique de ce soutien «au pouvoir démocratiquement élu, à l'unité du pays et à la stabilité régionale.» Mais, sur le terrain, les choses sont plus compliquées. Le seul fait d'avoir pris le contrôle de l'aéroport de Yamoussoukro, la capitale administrative, est une forme de message adressé aux rebelles. A qui, des Ivoiriens ou des Français, servira le matériel de transmission prêté par Paris ?

Déjà parents pauvres sous Houphouët-Boigny, les Fanci (Forces armées nationales de Côte-d'Ivoire) sont en pleine déliquescence. Leurs 15 000 hommes ont été incapables de s'opposer à la progression des rebelles, même s'ils se font désormais face entre Bouaké et Yamoussoukro.

L'aide française a été évidemment bien accueillie par le gouvernement ivoirien. «La France a fait clairement son choix pour le soutien du régime légal», s'est réjoui le ministre de la Défense, Moïse Lida Kouassi, qui promet une «offensive générale très bientôt». Toutefois, les autorités ivoiriennes souhaitent que Paris aille plus loin : «Nous avons actionné les accords de défense entre la Côte-d'Ivoire et la France parce que nous avons conclu ces accords de manière à ce que (...) nous ayons l'appui de notre allié», a déclaré samedi le Premier ministre, Pascal Affi N'Guessan. Ces accords prévoient que les troupes françaises participent à des combats en cas d'agression de la Côte-d'Ivoire par un pays étranger. D'où l'insistance mise par le pouvoir à décrire les rebelles comme venant de l'extérieur. «La main de l'étranger ? Ce n'est pas clair...», avance un proche du dossier à Paris. La France estime ne pas disposer de suffisamment de preuves pour aller au-delà de la seule «sécurisation» des étrangers... laissant les rebelles progresser de Bouaké vers Yamoussoukro, ce qu'ils ont fait dans la nuit de vendredi à samedi.

Hier matin, à Korhogo (Nord), des hélicoptères français ont toutefois procédé à des «tirs d'intimidation» à coups de canons de 20 mm contre des mutins. Le calme est revenu rapidement et l'évacuation de plus de 200 ressortissants étrangers a eu lieu en collaboration avec l'armée américaine, indique le colonel Baptiste, de l'état-major des armées. Cette opération est la troisième en moins d'une semaine. «L'opération Licorne va se poursuivre», assure l'officier. Les troupes françaises devraient être bientôt renforcées pour atteindre le millier d'hommes. En attendant l'arrivée d'un hypothétique contingent africain.

«Extraction». Les militaires français sont très «soucieux» de se retrouver à nouveau au coeur d'une crise «africano-africaine» selon le mot de l'un d'eux. Le Rwanda a laissé des traces profondes : en avril 1994, alors qu'ils procèdent à l'évacuation des étrangers (opération Amaryllis), les paras français assistent passivement aux premiers massacres. Deux mois plus tard, ils reviennent en catastrophe, mais le génocide a eu lieu... Pour la première fois, des officiers devront s'expliquer devant une mission d'information parlementaire.

1994 marque un tournant politique, économique et militaire. La France se désengage peu à peu. Un mouvement renforcé par les mutineries à répétition en Centrafrique (1996-1998), qui poussent Paris à partir. Les seules opérations, comme Pélican au Congo en 1997, ont pour but l'«extraction» des ressortissants.

Pour accompagner son retrait, Paris propose le concept Recamp (Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix). Avec d'autres Occidentaux, Paris forme, équipe et soutient les armées africaines, mais ce sont elles qui doivent prendre en charge les missions de pacification. Cette nouvelle politique se concrétise... en Côte-d'Ivoire lors du coup d'Etat du général Robert Gueï, en décembre 1999. Lionel Jospin refuse l'envoi de troupes. Jacques Chirac doit s'incliner. Moins de trois ans plus tard, la Côte-d'Ivoire est de nouveau en crise et Chirac aux manettes. Nouvelle donne ?

«Frères d'armes». Si la France choisit de se réimpliquer militairement en Afrique (comme la Grande-Bretagne en Sierra Leone en 2000), elle devra tenir compte d'un fait nouveau : l'affaiblissement de la «culture africaine» au sein de l'armée française. Les coopérants militaires français ne sont plus que 27 en Côte-d'Ivoire, moitié moins qu'en 1996. La majorité des 580 hommes du 43e Bima d'Abidjan provient de «compagnies tournantes» basées en France et qui font des séjours de quatre mois. L'époque des «frères d'armes», tous issus des troupes coloniales, est révolue. L'armée française ne comprend plus ce qu'il se passe dans son ancien pré carré.

Par Christophe AYAD, Jean-Dominique MERCHET



"Criticism, like rain, should be gentle enough to nourish a man's
growth
without destroying his roots."

- Frank A. Clark



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