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nouvelles du front

To: Thierry Vodounou <thierryv@juno.com>, ssome@csi.uottawa.ca
Subject: nouvelles du front
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Date: Fri, 27 Sep 2002 10:15:09 -0700 (PDT)
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CÔTE D'IVOIRE Les rebelles ont accepté d'observer un cessez-le-feu de 48 heures pour faciliter l'évacuation des ressortissants français qui a commencé hier

Lors de la trève, respectée hier par les rebelles pour permettre l'évacuation des ressortissants étrangers, les habitants des quartiers nord de la Bouaké sont sortis dans les rues pour manifester leur soutien aux mutins.
(Photo AP)
 
Les mutins de Bouaké veulent marcher sur Abidjan
Plus de 1 200 personnes ont été évacuées hier de Bouaké, sous la protection de soldats français, en direction du sud vers Yamoussoukro. Les autorités ivoiriennes ont décrété « zones de guerre » les régions de Bouaké et Korhogo, tenues par les soldats mutins depuis le 19 septembre. Le sommet de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) sur la crise ivoirienne, prévu le 5 octobre à Dakar, se tiendra finalement dimanche à Abidjan et évoquera l'envoi d'une force ouest-africaine.

Bouaké : de notre envoyé spécial Adrien Jaulmes
[27 septembre 2002]

Le pick-up fend la foule en délire. Debout dans la benne, leurs mitrailleuses aux cartouches luisantes en position de tir, un groupe de soldats aux uniformes disparates salue en levant le poing. « On veut pas Gbagbo ! », hurle la foule en acclamant les mutins qui tiennent depuis une semaine la seconde ville de Côte d'Ivoire. Depuis le matin, les habitants des quartiers nord de Bouaké défilent en conspuant le gouvernement de Laurent Gbagbo. Ce sont en majorité des Dioulas, ethnie du nord de la Côte d'Ivoire. Coiffés de feuilles et brandissant des pancartes en carton, ils courent en criant dans les rues. Certains ont le visage peint en noir. Tous poussent des cris de joie à chaque passage des 4 x 4 des mutins.

Devant le Ran Hôtel, en plein centre-ville, la foule est stoppée par un petit groupe de soldats. Adossé au capot de son véhicule, un militaire barbu en pantalon de treillis et tee-shirt donne l'ordre à ses soldats de calmer la foule. Les mutins font asseoir les manifestants sous les applaudissements. Béret bleu et collier de barbe, l'adjudant Tuo Fozié dit être le « coordinateur » de la mutinerie pour la ville de Bouaké.

« Je suis le plus ancien, alors mes petits frères me rendent compte », explique-t-il. Les autres soldats acquiescent. « Nous sommes des militaires !, dit l'adjudant Fozié, et nous avons pris les armes pour réclamer justice ! »

Certains soldats affirment être des « Bahéfoué » et des « Zinzins », militaires en cours de démobilisation qui revendiquent leur maintien dans l'armée et une réévaluation de leur solde. « Ce gouvernement n'a jamais voulu nous écouter », hurle un grand costaud, pistolet dans le pantalon et béret rouge enfoncé sur la tête. « On nous a rappelés à l'armée sous le gouvernement de transition de Robert Gueï, dit-il, et maintenant on veut nous jeter à la rue ! On nous prend quand c'est chaud et après on nous jette ! Ça nous fait trop mal ! On va donner le pays à une autre personne ! », menace-t-il.

La coordination de la mutinerie, qui a éclaté la semaine dernière à la même heure dans les villes de Bouaké et de Korhogo en même temps que des attaques étaient lancées contre les domiciles des ministres de l'Intérieur et de la Défense à Abidjan, rend pourtant peu plausible l'hypothèse d'un simple coup de colère de soldats. Le comportement des mutins, qui ont souvent payé leur ravitaillement et ne se sont livrés à aucun pillage, est à lui seul un fait inédit dans un coup d'État africain.

Mais l'on ignore toujours qui dirige un mouvement en passe de soulever la moitié du pays. Le gouvernement ivoirien accuse le général Robert Gueï, assassiné dans les premières heures des évènements, d'avoir fomenté le coup de force avec la complicité d'Alassane Ouattara, le chef du Rassemblement des républicains (RDR) et des autorités du Burkina Faso.

« Le général Gueï, paix à son âme, n'a rien à voir avec notre mouvement », affirme l'adjudant Tuo Fozié. « Pas plus qu'Alassane Ouattara. Nous ne sommes pas non plus comme on l'a dit des envahisseurs étrangers », ajoute-t-il. « Je suis ivoirien, et mes compagnons aussi. » Les soldats qui l'entourent parlent tous à la fois. « Moi je suis Bété, l'ethnie de Laurent Gbagbo », dit un soldat coiffé d'un bonnet de ski. « Moi je suis Baoulé ! », dit un autre avec un chapeau de brousse. « Et moi je suis Sénoufo ! », coupe l'adjudant Fozié. « Nous représentons toute la Côte d'Ivoire, dit-il. Nous avons pris nos armes dans les casernes de l'armée. Et nous appelons tous nos frères d'armes de l'armée ivoirienne à nous rejoindre ! », lance l'adjudant.

Les mutins semblent décidés à aller jusqu'au bout de leur rébellion. Des soldats mutinés ont réquisitionné hier des véhicules et de l'essence à Boundialy et à Diarra, deux villes du nord-ouest de la Côte d'Ivoire en annonçant eux aussi une marche imminente sur Abidjan. La capitale économique du pays n'est qu'à 4 heures de route de Bouaké. Et les combats qui les ont opposés aux Forces armées nationales ivoiriennes au début de la semaine dans les faubourgs de Bouaké n'ont pas tourné à l'avantage des soldats loyalistes. Un blindé ivoirien a été pris, d'autres véhicules détruits et un nombre indéterminé de soldats ont été tués. Une partie de la centaine de corps qui s'entassaient hier à la morgue de Bouaké pourrait être ceux des soldats envoyés par le président Gbagbo à la reconquête de la ville. Leur échec cinglant augure mal des combats que les Fanci pourraient avoir à livrer sur la route d'Abidjan.

« Sans la trêve que nous avons conclue pour permettre aux Français d'évacuer leurs ressortissants, vous ne nous auriez pas trouvés ici ! », assure l'adjudant Fozié. « Dès que l'armée française a terminé d'évacuer les ressortissants de Bouaké, nous marchons sur Abidjan ! Et nous balayerons tous ceux qui s'y opposeront. »

Préparée depuis plusieurs jours, l'évacuation des étrangers de Bouaké a commencé hier en début d'après-midi. En liaison avec les mutins, les soldats français sont rentrés dans la ville pour assurer la sécurité de l'opération. Prévenus par téléphone par leurs « chefs d'îlots », les ressortissants français ont commencé à quitter la ville en direction de Yamoussoukro, une centaine de kilomètres au sud de Bouaké. Certains laissent parfois derrière eux plus de vingt ans de leur existence. « Je n'emporte que les photos. C'est la seule chose que l'on ne peut pas remplacer », dit l'un d'eux.

Une fois les étrangers évacués, ce qui pourrait prendre encore un jour ou deux, les Fanci et les mutins se retrouveront face à face. Mais le ressentiment des populations du nord de la Côte d'Ivoire à l'égard du gouvernement ivoirien donne à la mutinerie une assise populaire. Se sentant exclues de la vie politique du pays par une Constitution qui réserve aux Ivoiriens « de souche » le droit de se présenter aux élections, les ethnies frontalières du nord ont perdu depuis plusieurs années déjà toute confiance dans le gouvernement d'Abidjan. Quant aux autorités ivoiriennes, elles semblent décidées à mater la sédition. Les ingrédients d'une guerre civile sont réunis en Côte d'Ivoire.



"Criticism, like rain, should be gentle enough to nourish a man's
growth
without destroying his roots."

- Frank A. Clark



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