Touche pas à mon siège

[Koko Banacek <kokobanacek@wanadoo.fr>]

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Magazine : "Lundi investigation". "Discriminations : après les boîtes de nuit, les partis politiques". 
 
Les formations politiques ont tous des militants blacks ou beurs, mais sur les listes électorales c'est une autre affaire. Une enquête vive et percutante. 

Touche pas à mon siège

La France multiraciale rayonne sur les terrains de football, mais l'Assemblée nationale reste obstinément monochrome : pas un seul élu d'origine maghrébine, pas un seul élu noir en métropole, uniquement des Blancs. Vingt ans après l'irruption des immigrés de la deuxième génération sur la scène médiatique (la fameuse Marche des beurs de 1983), leur non-représentation au sein des institutions est difficilement attribuable au hasard. Thierry Vincent a enquêté sur cette génération de " jeunes issus de l'immigration" qui sont de moins en moins jeunes et ne supportent plus d'être tenus à l'écart de la vie publique. La grogne monte au sein des partis. Les militants d'origine non européenne en ont marre d'être les dindons de la farce à chaque élection. Assez de jouer les faire-valoir, les mascottes, d'être la touche melting-pot qui sied au teint d'une formation démocratique moderne. 
Slimane Dib, chef de l'opposition municipale de droite à Aubervilliers, fief communiste, a eu le sentiment d'être trahi par son propre parti aux dernières régionales. Le gros score du Front national dans cette banlieue du nord de Paris n'est peut-être pas étranger au fait que l'UMP évince les beurs de ses listes. "On est malheureux parce qu'au moment où nous voulons nous asseoir à la table de la République, on nous rejette."
Rachid Kaci, de la même UMP, en a également gros sur la patate. Alors qu'il appelait le siège pour savoir si son nom figurait sur la liste des régionales en Ile-de-France, le jeune mathématicien s'est entendu répondre par un membre du cabinet de Jean-François Copé : "Ecoute, c'est difficile car on a déjà trois Arabes sur la liste, alors on va pas en ajouter un quatrième." 
Tout n'est pas rose non plus au PS où Gaspard-Hubert Lonsi Koko, d'origine congolaise, secrétaire de la section socialiste du 15e arrondissement de Paris, a vu son nom disparaître de la liste du deuxième tour, mystérieusement. Cette éviction a d'abord été imputée à un problème d'informatique ("Comme par hasard, l'ordinateur a sorti le basané de la liste", ironise Lonsi Koko avec humour), mais à la dernière université d'été du PS, François Hollande donnait une autre version : "Il a fallu faire de la place à nos amis communistes, et lorsque des candidats ne sont pas suffisamment défendus, ce sont eux qui passent à la trappe." 
Le Parti socialiste objectera que sur ses sept têtes de liste aux élections européennes, deux étaient nées de parents immigrés (Kader Harif, d'origine algérienne, et Harlem Désir, d'origine antillaise), et qu'il s'est engagé pour la première fois à présenter des candidats issus de l¹immigration aux prochaines législatives. Mieux vaut tard que jamais. 
"Il faudra un jour que cette République ait le courage de se regarder dans un miroir et se rende compte de la diversité de son visage" , lance Gaspard-Hubert Lonsi Koko dans un élan d'espérance. En attendant, mieux vaut s'appeler Robert qu'Ali pour faire de la politique en France.
Eric de Saint Angel 

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