Monsieur, vous êtes officier du renseignement burkinabé. Qu?est-ce qui
explique votre présence à Abidjan même si elle est discrète ?
Je suis là pour m?acquitter d?un certain devoir pour permettre aux autorités
de se rattraper et faire face à la situation qui prévaut actuellement en Côte
d?Ivoire. Tout ce qui arrive est dû à beaucoup de négligences et à un manque
de vigilance au niveau des autorités en ce qui concerne la sécurité. Il y a
longtemps que pesaient des menaces sur la sécurité et la stabilité de la Côte
d?Ivoire.
Concrètement à partir de quand l?alerte a été lancée ?
Nous sommes rentrés en action à partir du mois de mars 2002 en nous disant
que ce qui arrive est très grave et on a discrètement saisi les autorités
ivoiriennes. On a ainsi saisi l?ex-ministre de la Sécurité Boga Doudou qui
nous a mis en contact avec son directeur de cabinet. Finalement, on nous a
renvoyé au commissaire du Gouvernement Ange Kessy comme notre interlocuteur
direct dans le mois de mai. Ce dernier nous a écouté avec une bienveillante
attention. Compte tenu de la crédibilité des renseignements et de la gravité
de la situation, le commissaire Ange Kessy a pris un mandat d?arrêt et une
mesure de demande d?expulsion des militaires déserteurs ivoiriens au Burkina
Faso. Je crois que le mandat d?arrêt a suivi le cheminement légal nécessaire
et le dossier a été régulièrement traité par le tribunal militaire de
Ouagadougou qui a aussi saisi le tribunal de Ouaga et c?est le parquet qui a
finalement refusé l?exécution de cette décision d?extradition qui devait être
exécutoire.
Sur quel motif se fondait le refus du parquet de Ouaga ?
Il y a eu une commission rogatoire en bonne et due forme et je suis surpris
que le président Blaise Compaoré prétende que les autorités judiciaires
burkinabé n?aient pas été régulièrement saisies pour l?extradition des
militaires déserteurs ivoiriens. La vérité est qu?un certain Tanoh qui a
envoyé à partir d?Abidjan, une petite délégation conduite par Dr Sanou qui a
vu le président du tribunal de Ouagadougou et qui a, au préalable, contacté
son substitut du nom de Sawadogo et une dame du nom de Mme Dembélé pour
qu?ils annulent l?acte d?extradition de ces exilés. En fait, c?est le parquet
de Ouagadougou qui a pris la décision d?annuler l?extradition de ces exilés
et comme vous le savez, le parquet dépend directement du ministère de la
Justice et du garde des Sceaux qui a pour premier responsable le président du
Faso.
Mais cet acte d?extradition concernait combien de personnes ?
Il est important de rappeler que la demande d?extradition du tribunal
militaire d?Abidjan a été officiellement reconnu par son homologue du
Burkina. Les personnes à extrader étaient au nombre de huit parmi lesquels on
peut citer Diarassouba, celui qui se fait appeler Zaga Zaga, il y avait aussi
Ousmane Chérif, Koné Zacharia, Tuo Fozié? Vous pouvez voir le commissaire du
gouvernement qui peut vous être plus clair. Le parquet de Ouaga a quand même
donné des raisons au tribunal militaire ivoirien pour motiver son refus Je ne
crois pas qu?il ait donné des arguments précis mais vous pouvez vous
renseigner auprès de votre tribunal militaire ici à Abidjan. Selon mes
renseignements, la délégation dont je parlais tantôt a envoyé vingt (20)
millions en coupures d?Euros pour défendre leurs gars. Je n?avais plus suivi
le dossier. Mais c?est quand les militaires s?apprêtaient à attaquer la Côte
d?Ivoire que j?ai recommencé à les suivre. J?ai donc eu à faire des rapports
aux autorités ivoiriennes et j?ai été notamment reçu par le commandant de la
brigade de recherches de la Gendarmerie nationale ivoirienne qui nous a
conduit devant le commandant de la Gendarmerie nationale. Finalement, nous
nous sommes retrouvés devant le ministre de la Défense Lida Kouassi lui-même
à deux reprises. Nous étions en juin 2002.
Et qu?avez-vous dit précisément au ministre de la Défense et quelle a été sa
réponse?
Je lui ai dit que les gens se préparaient à faire la guerre et renverser le
régime en place en Côte d?Ivoire. Ils avaient pour ambition de prendre le
pouvoir et d?organiser rapidement les élections au bout de six mois. Tel
qu?ils le réclament aujourd?hui.
Tout était déjà donc bien ficelé ? Que vous a répondu le ministre Lida ?
Effectivement, tout était bien planifié depuis longtemps. Je précise qu?après
notre entretien, le ministre Lida a reçu ce même jour et en ma présence le
maire de Bouaké, M. Fanny Ibrahima. Ce dernier était venu solliciter la
moitié du terrain d?un camp militaire de Bouaké pour y réaliser des
constructions. Et j?ai demandé ? mais un camp militaire est la propriété de
l?Etat qui n?est aucunement une propriété de la municipalité ?. Mais le maire
Fanny, sans sourciller a répondu : ? ce camp, si nous ne l?avons pas
aujourd?hui, un jour on va construire dessus ?.
Bref? Quelle suite le ministre a-t-il donné à vos renseignements ?
Le ministre a dit : ? On garde le contact, on va s?occuper de tout cela ?.
Ainsi, lorsque je suis rentré au Burkina, j?ai rappelé le ministre. Mais je
suis tombé sur son directeur de cabinet qui m?a reçu au téléphone à qui je
n?ai pas manqué de dire que maintenant les gens passaient à une vitesse
d?exécution. Parce que des camions transportant des conteneurs dont on disait
contenir de la friperie et venant de Lomé étaient garés à Banfora. En
réalité, c?étaient des armes. Ces conteneurs sont restés à l?usine Savana à
Bobodioulasso qui fabrique du jus pendant environ deux mois. Mon dernier
contact direct avec les autorités ivoiriennes, c?est le 29 août. J?ai été
accueilli par le commissaire Koudou, le conseiller technique du ministre Boga
Doudou, à qui j?ai remis un rapport complet. Il m?a dit ce 29 août 2002 qu?il
ne peut avoir de coup d?Etat en Côte d?Ivoire. Or en ce moment précis, les
gens faisaient déjà traverser les armes et des combattants pour venir en Côte
d?Ivoire. Plus grave, pour les formalités, ils ont pris contact avec le
responsable de la douane à la frontière ivoirienne du pont sur la rivière
Léléba et certains agents des forces de l?ordre pour que le matériel soit
acheminé aisément en Côte d?Ivoire. J?ai mis tout cela dans mon rapport et le
ministre a dit à Koudou qu?il prendrait contact avec moi plus tard. Cette
rencontre n?a plus jamais eu lieu. Le commissaire Koudou m?a seulement fait
savoir que selon leurs renseignements, les camions qui transportaient les
armes étaient à Banfora et qu?ils n?ont pas traversé la frontière. J?ai alors
pris soin d?appeler quand même le ministère de la Défense ivoirienne et on
m?a dit que le ministre était en congé. C?est son directeur de cabinet qui
m?a rappelé. Je lui est fait le même rapport en concluant que la Côte
d?Ivoire doit s?apprêter à faire face à une grande attaque.
Ce qui se préparait dans l?ombre au Burkina est tombé comme un couperet ?
Je voudrais d?abord indiquer que le lundi 17 septembre 2002, M. Zoro Bi Ballo
qui était à Ouaga à l?hôtel Pacific a reçu un coup de fil en provenance de
Paris. Répondant à son interlocuteur, il a dit qu?ils ne pouvaient pas lancer
l?opération parce que des ? intéressés ? étaient absents d?Abidjan. Il a
proposé d?enfermer un certain nombre de personnes qu?il allait faire juger
pendant que lui (parlant du président de la République en visite officielle
en Italie) resterait en exil. On a du plutôt lui dire de faire exécuter ce
qui était prévu c?est-à-dire, abattre les ministres de la Défense, de
l?Intérieur et de la Sécurité, le chef d?Etat major, le commandant de la
Gendarmerie, le commissaire du Gouvernement, etc. car s?ils sont vivants ils
peuvent reprendre les choses en main et faire échouer le coup. Jai
immédiatement pris contact avec le commissaire Dia Blé que j ?ai eu au
téléphone. Il m?a ce jour rappelé trois fois.
Vous voulez parler du Directeur des renseignements généraux ivoirien?
Oui, le commissaire Dia Blé. Il a même fait que le commissaire N'Goran Koffi
m'a appelé pour me demander ? mon frère qui veut faire quoi? Et pour quoi? ?
Voici les questions qu?il m'a posées ce 17 septembre soir. Mais n?oubliez pas
que les rebelles étaient informés de ce que le ministre Boga Doudou rentrait
le 18 septembre soir à 17h40. ils étaient très précis. Instruction leur a
donc été donné d?attendre la position de ? ceux qui sont à Abidjan et si la
marchandise qui est partie avec le camion d'élevage est arrivé". L'autre a
dit que ? la marchandise est arrivée et est stockée dans un lieu sûr ?. Ce
jour, ils ont envoyé les armes dans un petit camion qui transportait 2 b?ufs.
Il a également dit que les éléments qui étaient sur pieds à Abidjan n'étaient
pas nombreux et qu'il fallait chercher du renfort. Aussi, ont-ils soutenu
avoir essayé de rentrer en contact avec ? le Général ? (parlant de Guéi) qui
hésite. Ils ont dit ? devait nous appeler, mais il ne l?a pas fait. Qu?il
soit là ou non, nous allons nous exécuter ?.
Le Général Guéi ne semblait pas très bien informé des derniers détails?
Je ne sais pas trop. Mais celui qui parlait, c'était un certain (NDLR :
Hésitations) Pacôme, probablement un garde de corps. Après Pacôme, c'est un
autre du nom de Diomandé qui a appelé et qui a dit que le Général a souhaité
qu?on lui donne le temps pour étudier le problème. C'est ainsi que le 18
matin, j'ai appelé le commissaire Koudou pour lui dire "vraiment, les gens
sont prêts à exécuter leur sale besogne". Il m?a demandé ce qu?on pouvait
faire. Je lui ai répondu que cela dépendait de ceux qui sont à Abidjan. Voilà
ce que je sais de l?histoire qui nous a mis dans ce pétrin.
Quels sont les personnes qui étaient positionnés au Burkina et puis les
différents commanditaires que vous connaissez ?
Il y avait beaucoup qui sortaient mais qui rentraient aussi. Tout
dernièrement dans le mois de mai, le Général Guéi et une délégation étaient
là-bas avec un gros militaire barbu qui n'était pas payé. J'ai discuté avec
cet élément à l'hôtel Pacific où ils étaient au Burkina. Ils sont venus avec
une voiture Galloper Verte dans laquelle ils ont traversé toute la Côte
d'Ivoire pour le Burkina en aller et retour. Je me suis entretenu avec eux,
ils m'a dit qu'ils n'a pas de salaire, il a 100 000 F que Guei lui donne par
mois qu'il a beaucoup d'enfants et qu?il envisage de s?exiler au Burkina où
les autres vivent mieux. Ce jour là à la réunion, il y avait Tuo Fozié, Ib,
Diarrassouba, Chérif et un certain Ezan, militaire également qui était leur
porte-parole que je ne vois plus dans cette affaire. Il y avait celui qu?on
appelait "Jonas Savimbi" que je ne connais pas de nom, mais qui est costaud
avec beaucoup de barbe. Ils étaient nombreux. Parce qu'au fait "IB" a des
moyens. Je pense que c'est lui qui était le seul coordinateur avec Balla
Kéita, puisque Balla Kéita était au fait de tout ce problème. Il en savait
vraiment beaucoup.
Vous pensez que la mort de Balla Kéita est liée à toute cette affaire?
La mort de Balla nous a pris un peu de vitesse. On attendait la mort de tout
le monde sauf Balla Kéita. Mais Balla Kéita aussi ne jouait pas franc jeu
parce qu'il était en contact très étroit avec Alassane. Même s'il était de
l'UDPCI. Je sais que, quand la femme de Guéi était allée à Ouaga, à la mort
de Balla Kéita, il y avait une cousine d'Alassane qu?elle a refusé de
recevoir. En tout cas, on s'attendait à la mort de tout le monde sauf de
Balla Kéita. Les "IB" et consort, ils étaient surveillés même dans les
boites, il y avait au moins 4 gendarmes derrière eux.
Si le Burkina ne sait pas, pourquoi les protéger?
Parce que ce IB seul, il a cinq 4X4 double-cabines et une nouvelle mercedes
4X4. Il faut aussi savoir que leur formation est claire. Beaucoup de rebelles
ont été formés au Burkina.
Où ont-ils été formés exactement là-bas au Burkina ?
Il y a beaucoup qui ont été formés au camp de Dédougou à la frontière du côté
de Bouna. Pour ceux qui parlent de Pö, c'est faux. A Pô, il n?y a personne
parce que ce camp est surveillé par les Nations Unies. Dédougou est l'un des
meilleurs camps actuellement construit recemment par la Lybie et où au moins
5 avions peuvent atterrir en même temps. Quand les gens disent qu'ils ont été
entraînés à Pô, ça veut dire qu'ils ne connaissent pas la réalité des choses.
Même un agent ivoirien a été arrêté à Pô parce qu?il n?était pas bien
informé. Actuellement, parmi les bras séculiers de ces rebelles, il y a le
ministre d?Etat burkinabé Salif Diallo, qui a fait des histoires avec Boga
Doudou à Tripoli, lors de la rencontre entre Blaise Compaoré et Gbagbo. Ils
en sont venus même aux mains. Il fait partie des hommes forts de cette
rébellion. Il y a aussi la main de Khadaffi qui est venu un peu tardivement
dans cette affaire par le fils du Général Robert Guéi qui est là-bas en Lybie
mais qui est rentré actuellement à Ouagadougou.
Lequel fils de Guéi ? Celui qui était à la Lonaci?
Je ne sais pas trop, seulement il vient d'arriver à Ouaga avec 2 millions de
dollars US (NDLR : environ 2 milliards de FCFA) pour assister les rebelles
parce que son père a été tué. Il voulait venir directement à Abidjan mais
Khadaffi a refusé qui lui a donné cet argent pour payer des rebelles. Et
puis, il y a un autre fils de Guei en Amérique qui, également, rejoindra les
autres à Ouagadougou d?ici là, si ce n?est déjà fait.
Qu?en est-il de IB dont on dit qu?il ne combat pas ?
Vous savez, celui qui commande la vraie guerre ne le dit pas. C'est comme les
erreurs que vous, en Côte d?Ivoire, avez faites au départ. Vous dites
demain, ? nous allons à Bouaké ? ; mais les gens ne dorment pas et ils vous
attendent de pieds-fermes. Je voudrais vous dire que ces gens sont
militairement professionnels. Ils savent ce qu'ils veulent puisqu?ils ne
diront jamais le nom du leader tant qu'il n'est pas leader, c?est-à-dire tant
qu?ils ne parviennent pas à leurs fins. Ils sont très bien organisés. Ils
sont en train de mener les Maliens en bateau en disant que leurs compatriotes
sont en train d?être tués à Daloa. Voilà pourquoi aujourd'hui, il y a la
masse de ressortissants maliens, qui rentrent en Côte d?Ivoire. Et il faut
stopper ça.
On a seulement dit que des dozo les ralliaient par centaine à Bouaké?
J'ai vu de mes yeux des vieux comme des jeunes dozo se rallier à eux et même
des vieilles pour se former. Pour convaincre un dioula, c'est très facile. Il
suffit de dire qu'on est en train de tuer les musulmans. Vous savez, on dit
quand tu meurs en guerre, tu pars au paradis et chacun voudrait peut-être
aller au paradis. Ce que nous déplorons aussi, c?est ce flot de voitures qui
traversent actuellement le Burkina pour le territoire ivoirien. Si la
frontière est fermée officiellement, il faut qu'elle le soit effectivement.
En date du 26 octobre dernier à 12h45, nous avons observé 2 gros camions
citernes porteurs de carburant en provenance de Bobodioulasso. Le premier
camion immatriculé 11G3640BF était de couleur verte et le second camion DAF
de couleur blanche immatriculé 10 H 1375 BF. Ils transportaient du carburant
et ont été reçus juste sous le pont de la rivière Laléba par une voiture
Mitsubishi L 200 couleur militaire et pleine de combattants rebelles. Et à
notre départ à 14 heures, nous avons rencontré une Toyota Land Cruiser avec
l?étiquette d?une société, Codan à la portière chauffeur. Il s?est avéré que
la Toyota appartient à un Burkinabé du nom de Koné Bob, technicien qui
partait installer le système de communication-radio UHF de 100 postes dans
toutes les zones de guerre tenues par les rebelles. Et ce Koné Bob est le
frère de Koné Zakaria, un des chefs rebelles à Vavoua.
Qu'est-ce que les rebelles veulent concrètement ?
Le pouvoir. Après le pouvoir, juger tous ceux qui sont au pouvoir. Ils
imputent la mort de Guéi au Premier ministre qui aurait dit que le Général
était au front. Ils disent que les gendarmes sont plutôt partis de chez le
Premier ministre pour aller tuer Guéi alors qu'il était à table. Selon eux,
ils ont des preuves. Les rebelles sont sûrs d?eux et ils ont dressé la liste
de leurs militaires encore infiltrés à Abidjan (NDLR : Il sort une liste de
noms). Aussi, parlant de la légèreté dans le domaine de la sécurité, je peux
vous assurer que l?ancien garde de corps de Balla Kéita est actuellement à
Abidjan où il est rentré avec des papiers burkinabé.
Comment est-ce possible en ces temps où tout doit être surveillé? Est-ce que
vous pensez qu'ils sont aussi forts pour mettre tout le monde à leurs pieds.
La rébellion, c'est une détermination. Vous pouvez avoir tous les avions du
monde et les gens parviennent à vous chasser. Aujourd'hui, les Ivoiriens sont
déterminés, on ne veut pas la guerre en Côte d'Ivoire. Il y a des gens au BF,
si on leur donne des fusil aujourd'hui, ils attaquent les rebelles. Parce
qu'ils en ont marre du problème ivoirien. A Bobo, rien ne marche. J'ai vu des
peuls qui ont fermé leurs boutiques parce que le lotus qui était à 100 F est
passé à 300 F CFA.
Justement, là-bas on en veut aux Ivoiriens ou au président Compaoré?
Les burkinabè en veulent à leur président. Il y a eu des émeutes dernièrement
que des Ivoiriens n'ont pas bien saisi. Il y avait le véhicule de la femme de
Blaise Compaoré qui revenait de Ziniaré où lui-même avait pris place. Et nous
étions à la veille du 15 octobre, jour anniversaire de la mort de Thomas
sankara. Des gens ont laissé ça et ils ont bombardé sa voiture. Ils ne l'ont
pas eu . Et jusqu'à présent on ne sait quels éléments ont fait ça. Il y a
échappé belle. Mais ils ont empêché les journalistes de RFI qui voulaient
voir. Néanmoins, des gens très futés ont pu mettre l?élément sur internet.
Sinon aucun journal n'a eu accès au lieu de ce drame. C?est-à-dire que tout
le monde n?est pas content du soutien de Blaise Compaoré aux rebelles.
Des rumeurs ont parlé de coup d?Etat à Abidjan, quelle a été l?ampleur des
dégâts ?
Il y a eu le lieutenant Kiéré qui a été tué. Un autre agent de la sécurité,
Zambrago, a eu le bras arraché. Vous savez, l'information au Burkina, ce
n?est pas comme chez vous en Côte d?Ivoire où la presse est absolument
indépendante et j?apprécie cela. Chez nous, l?information est d?abord traitée
avant que la presse n?ait accès. Et l?information sur le drame qui a failli
emporter Blaise Compaoré ce 14 octobre à 21h, c'est Abidjan qui l'a relatée
le premier avant que Ouaga ne la reprenne. Il faut aussi que les Ivoiriens
sachent qu?il y a des gens qui sont prêts à régler le compte à Blaise parce
que le problème ivoirien n?arrange pas le Burkinabè. Et ce jour où il a
échappé à l?attentat, les gens visaient son véhicule, une mercedès blindée.
Alors qu?il était dans celui de sa femme qui était déjà passé comme je vous
l?indiquais. C?est un RPG qui a été jeté en dessous du véhicule à 12 km de
Ziniaré, le village du président Compaoré et le véhicule a sauté. La route a
été fermée pendant 2 jours. Aucune source de journal n'a pu rapporter
l'information.
Quelles sont les répercussions de la crise au niveau du Burkina Faso
actuellement ?
Sachez que le Burkina est à genou. Au grand marché par exemple, les
commerçants ont voulu marcher sur la présidence la dernière fois parce qu'ils
prennent tout en Côte d'Ivoire. Blaise a refusé. Les Ghanéens de leur côté ne
pardonnent pas aux Burkinabè la mort de Thomas Sankara. Pour un camion qui
transite là-bas, tu paies deux fois plus cher. Le Togo aussi n'a plus rien
parce que la politique a tué ce pays. Donc, voilà la problème du Burkina Faso
aujourd'hui. Or c'est grave, très grave. Il faut qu'on cherche à résoudre ce
problème. Il y a des gens au Burkina Faso qui sont prêts à attaquer les
positions rebelles pour que leur pays retrouve la paix avec son voisin. Ils
sont prêts à ouvrir une rébellion au Burkina Faso. Seulement, il leur manque
les moyens.
Avez-vous essayé d'explorer l'origine du financement de la rébellion
ivoirienne ?
Les multinationales françaises ont contribué à près de 60% à cette guerre. Il
y a beaucoup de groupes français qui sont dans différents domaines en Côte
d?Ivoire. Les initiatives comme la libéralisation ne font pas forcement
plaisir et dénote de la trop grande indépendance. Les prochains appels
d?offres internationaux que veut lancer la Côte d?Ivoire va mettre la fin au
monopole des multinationales françaises. Pour le colonisateur français, c?est
un ? péché ? des réfondateurs qui doivent trouver les formules, même si leur
intention reste de libéraliser. Il faut éviter de chanter la libéralisation
dans la rue. Comprenez qu?ils ne vont pas vous laisser.Vous voyez donc qu?il
s?agit d?un problème d'intérêt parce que les Français ont de nombreux
intérêts ici. Je crois que les Ivoiriens devraient faire en sorte que même
s?ils ont des choses à dire, qu?ils le fassent de façon responsable et non
dans la rue. Pour revenir au financement, on peut parler de sources
libyennes, des différents lobbies de ceux qui veulent prendre le pouvoir en
Côte d?Ivoire. Enfin, beaucoup de gens ont financé ce coup. Toute chose qui
compromet la paix. C?est cela. Mais je pense que la guerre en Côte d'Ivoire
ne va pas durer. Je croix que la Côte d?Ivoire a les moyens de s?en sortir.
Il suffit de se montrer discret et efficace pour écraser dès maintenant cette
rébellion.
Pourquoi êtes-vous aussi optimiste là où les assaillants eux ne démordent
pas ?
Parce que les revendications des rebelles n'ont aucun fondement. Mais, il
faut les combattre pour qu'ils comprennent qu'il faut déposer les armes.
Vous, vous ne les combattez pas. Vous ne faites que des marches, c?est
certainement bien puisque c?est un soutien à l?Etat. Mais avant les marches,
il faut des actions concrètes. Par exemple, le pont dont je parlais tantôt à
la frontière, qu?attendent les Ivoiriens pour le détruire ? Parce que c?est
là que tout se passe et les entrées sur votre territoire se passe là, votre
malheur aussi. Parce qu?il ne faut pas se leurrer, ces rebelles sont bien
organisés avec des structures efficaces. Par exemple quand Zorro Bi Ballo est
arrivé à Ouaga pour le recrutement des rebelles, il a contacté un certain
Zaré à qui il a dit : ? J'ai 250 000 F CFA à remettre à chacun de ceux qui
sont prêts à aller combattre. Vous prenez une avance de 500 000 de dette
avant de quitter Ouaga ?. Je sais qu'il avait déjà recruté près de 80
personnes. Et j'ai appelé même le ministre de l'Intérieur du Burkina pour
demander ce que sera le sort de ces Burkinabés qui partent s?ils étaient
pris. Il m'a répondu que ce n'était pas son problème".
Quel est au juste le rôle de Zoro Bi Ballo au sein de cette organisation?
Il est le Directeur de la communication chargé aussi des relations
extérieures du MPCI. Je peux vous assurer que Zoro fait partie des maîtres à
penser du MPCI à Ouagadougou. Il a une branche à Paris, une en Belgique, une
autre en Amérique. Ils sont très bien organisés et Zoro coordonne tout et
informe la hiérarchie. Si le coup marchait, il devrait être le ministre de la
Justice.
C'est qui la hiérarchie?
Elle est formée de tout le monde. Vous savez dernièrement, il y a un des
patrons qui est venu de Chine ou de Tawain, le Général Palenfo. Et Zoro Bi
Ballo disait à l'autre que Palenfo devait arriver et qu?il devait qu?il donne
quelques instructions. Et il est arrivé. C'est un truc qui englobe beaucoup
de monde et il faut se garder de trop parler et la Côte d?Ivoire doit savoir
ce qu?elle a à faire si elle veut la paix aujourd?hui. Mais ce que je pense,
c?est que Blaise Compaoré, aujourd'hui, peut mettre fin à la guerre en Côte
d'Ivoire. Quand il parle de xénophobie en Côte d?Ivoire, il fait honte même
si tout le monde sait qu?il a des intérêts avec Alassane Ouattara. Parce que
Compaoré sait que la Côte d?Ivoire n?a jamais été xénophobe.
Parce que vous pensez que Blaise Compaoré est engagé dans cette affaire? Et
pourquoi à votre avis ?
Blaise Compaoré, c'est mon président, il n'est pas directement engagé dans
cette affaire mais il n'est pas non plus très clair. Puis qu?il sait tout ce
qui se passe. S'il n'a pas arrêté cette guerre, c'est parce qu'il sait qu?on
peut passer n'importe où pour prendre le pouvoir. Parce qu'il a toujours dit
aux gens : "Ce Monsieur (NDLR : le Président Laurent Gbagbo), c?est un ami je
le connais mais je ne savais pas qu'il allait traiter les burkinabè comme
ça". Et ce qui rebiffe bien des gens, c?est la politique de l?identification
avec l?ONI. Tant que la Côte d?Ivoire la maintiendra, ce sera difficile.
Parce qu?au fait, il y a beaucoup de gens qui sont arrivés dans votre pays et
qui, deux jours plus tard, étaient Ivoirien sans autre forme de procès. C?est
extraordinaire. Cette nouvelle vision pour de l?ONI va contre eux puisqu?ils
savent qu?ils ne sont pas de vrais Ivoiriens. Ils n?ont pas d?autres intérêts
que de lutter contre l?identification et donc contre ceux qui ont initié
cette politique. En clair, il y a dans le coup les commanditaires et ceux qui
en profitent pour régler des comptes.
Interview réalisée par G. Bertrand KUYO Coll et BIDI Ignace
Soir Info
Côte d'Ivoire
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