To: | "ch. christine" <christine-dr@ifrance.com> |
---|---|
Subject: | Sur le chaos centrafricain (Courrier International) |
From: | "OLIVIER.STABLE" <OLIVIER.STABLE@wanadoo.fr> |
Date: | Wed, 13 Nov 2002 21:39:36 +0100 |
Cc: | "Liste Afrique" <afrique@univ-lyon1.fr> |
Delivered-to: | afrique@dns2.univ-lyon1.fr |
Delivered-to: | afrique@univ-lyon1.fr |
La violence comme seule forme
d’_expression_
Alors qu’un nouveau coup d’Etat vient
d’embraser le Centrafrique, le pays sombre dans une spirale de violences et
poursuit son agonie économique et politique. Avec un risque d’extension
régionale de la crise.
«Plus fort que Saddam ! Patassé résiste à tout»,
ironise le journal humoristique burkinabé le «Journal du jeudi». En effet,
l’attaque du 25 octobre contre les quartiers nord de Bangui par les troupes de
l’ancien chef d’état-major de l’armée centrafricaine, François Bozizé, est le
énième coup d’Etat auquel le président centrafricain, Ange Félix Patassé, doit
faire face depuis son arrivée au pouvoir en 1993. Les années 1996-1997 ont été
marquées par une succession de mutineries des soldats de l’armée nationale.
L’année dernière encore, en mai 2001, l’ancien président André Kolingba, a tenté
de renverser le régime par un coup d’Etat.
Si «le Centrafrique se trouve dans l’oeil du
cyclone [sic]», constate le quotidien burkinabé «Le Pays», c’est en partie parce
que «son histoire politique débute par un acte manqué. Lorsque l’avion de
Barthélémy Boganda, leader politique incontesté, s’écrase accidentellement (?)
en 1959, c’est toute la classe politique du pays qui se trouve décapitée»,
analyse «Sidwaya», un quotidien de Ouagadougou. Son successeur, David Dacko,
premier président d’une République centrafricaine indépendante, se révélera très
faible et sera renversé par le coup d’Etat de Jean-Bedel Bokassa en 1966. Celui
qui fut président à vie, puis sacré empereur et qui représente l’archétype du
dictateur africain, a consacré l’exercice autoritaire du pouvoir, où la force
est utilisée pour unir un Etat sans nation. «Bokassa, mégalomane et excentrique,
a coupé les ailes économiques de son pays, à travers un sacre surréel et
coûteux, en pleine forêt équatoriale. Depuis, les autres présidents ont suivi sa
trace, transformant le pouvoir en rente viagère», déplore
«Sidwaya».
Les enfants de Bokassa
Aucune opposition politique n’est permise, les
partis politiques ayant été interdits dès 1962. Ses successeurs prennent alors
le pouvoir par les armes. Que ce soit David Dacko, ramené à la tête du pays par
l’armée française en 1979, ou André Kolingba en 1981. Et, tous, ils eurent à
affronter des tentatives de renversement militaires. L’actuel président Patassé
a lui-même tenté de renverser Kolingba, en 1982. Un putsch organisé qui plus est
par son allié d’alors : François Bozizé... En outre, «tous sont issus de la même
école, celle de Bokassa. Patassé assura la fonction de Premier ministre tandis
que le général Bozizé fut l’aide de camp de l’empereur», remarque «Le
Pays».
«La pauvreté, le refus du dialogue, le recours
systématique à la force armée, le clientélisme politique, autant de maux qui
donneront encore longtemps du fil à retordre à la démocratie», souligne
l’hebdomadaire congolais «La Semaine africaine». «Le Centrafrique est un pays
exsangue où les fonctionnaires accusent des arriérés de salaires de trente mois.
C’est donc un Etat incapable d’assumer ses responsabilités. Dans une telle
situation, le pouvoir devient une oligarchie. La démocratie est mise sous le
boisseau. Voici les racines du mal centrafricain», ajoute «Le
Pays».
En attendant de restaurer un Etat en pleine
déliquescence, le président centrafricain n’a dû son salut qu’à l’intervention
du «contingent libyen qui assure sa sécurité depuis la tentative de coup d’Etat
en mai 2001», indique le quotidien gouvernemental ivoirien «Notre Voie». Le
colonel Kadhafi, dans le cadre de sa réorientation diplomatique vers l’Afrique
subsaharienne, tente d’imposer son pays comme une puissance régionale. Mais il
est surtout intéressé par les richesses centrafricaines : or et
diamants.
«Scènes d’horreur à Bangui»
Quant aux rebelles de Jean-Pierre Bemba, venus de
la République démocratique du Congo (RDC), ils étaient au nombre de «1 000 pour
aider le gouvernement à se défendre» avance - de source militaire - le quotidien
ougandais «New Vision». Le Centrafrique apporte son soutien à Bemba dans sa
guerre en RDC, lui fournissant un appui matériel important, surtout depuis le
retrait des forces ougandaises. Les hommes de Bemba écoulent également leur café
et leur cacao grâce à leur voisin et sont soupçonnés d’organiser un trafic de
diamants à travers le Centrafrique. Pour «New Vision», leur «arrivée à Bangui a
pour but d’empêcher un débordement des combats dans la zone qu’ils contrôlent».
D’autant que l’ethnie de Bozizé étant opposée à celle de Bemba, celui-ci doit
absolument empêcher l’accession au pouvoir du général.
«La Semaine africaine» rapporte des «scènes
d’horreur à Bangui». «Les combattants [de Bemba] se sont livrés à des actes de
pillages et à des viols collectifs sur de jeunes Centrafricaines», s’insurge
pour sa part le quotidien de RDC «Le Phare». Des ressortissants tchadiens ont
également été la cible de tueries, leur pays étant accusé par les autorités de
soutenir les putschistes. Le bihebdomadaire centrafricain progouvernemental
«CentrAfrique-Presse», qui a adopté un ton ultrapatriotique, parle carrément de
«troupes tchadiennes» ayant participé au coup d’Etat.
Des accusations qui ne vont pas aider à apaiser les
très graves tensions qui opposent les deux voisins d’Afrique centrale. Leurs
relations se sont encore détériorées avec «la fuite de Bozizé au Tchad en
novembre 2001, après qu’il a été limogé de son poste de chef d’état-major et
accusé par le gouvernement de préparer un coup d’Etat», note le quotidien
sud-africain «The Mail and Guardian». Ndjaména s’inquiète d’être désormais cerné
par la présence libyenne, au nord comme au sud, et de l’aide apportée par
Patassé aux rebelles du Sud tchadien. Une situation régionale explosive qui,
couplée à un Etat centrafricain où la violence militaire est devenue la seule
forme d’_expression_ politique, prépare le terrain pour de nouveaux coups
d’Etat.
Raphaëlle Nollez-Goldbach
© Courrierinternational.com |
<Prev in Thread] | Current Thread | [Next in Thread> |
---|---|---|
|
Previous by Date: | CI : Vers le "modèle congolais"? (Le Monde-2 articles), OLIVIER.STABLE |
---|---|
Next by Date: | Re: Article sur crise ivoirienne, OLIVIER.STABLE |
Previous by Thread: | Survie Rhône, Mathias |
Next by Thread: | State of the Union Address, Thierry Vodounou |
Indexes: | [Date] [Thread] [Top] |