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L’affaire d’Etat qui fait trembler Doué et la France

To: afrique@listes.univ-lyon1.fr
Subject: L’affaire d’Etat qui fait trembler Doué et la France
From: John Tra <jtra00@yahoo.com>
Date: Fri, 14 Jan 2005 06:09:40 -0800 (PST)
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L?affaire d?Etat qui fait trembler Doué et la France

Révélations ? Au centre de toutes les intrigues et de
toutes les manipulations autour du sort du général
Mathias Doué, il y a une véritable bombe. Les enquêtes
sur les événements de novembre dévoilent de manière
claire comment, pendant «la guerre de six jours»,
l?ex-CEMA, son homme de main Abou Nêguê et la France,
ont tenté de prendre le pouvoir. Sauf que?

Par Théophile Kouamouo et David Youant 


Le soir, dans sa chambre à coucher du 43ème BIMA,
avant de s?endormir, le général Henri Poncet doit
s?interroger tous les jours. Comment son ami Mathias a
pu lui faire cela ? Comment le général Doué, ancien
chef d?état-major des Forces armées nationales de Côte
d?Ivoire (FANCI), a-t-il pu le lâcher au moment ou
jamais, à l?occasion d?un «Grand Soir» longtemps
espéré pour la France et ses alliés locaux : le départ
du pouvoir par la force de Laurent Gbagbo ?
En effet, derrière les rumeurs permanentes aujourd?hui
lancées comme des flèches empoisonnées sur la mort ou
la vie du général Mathias Yahmun Doué, sa liberté ou
sa mise en résidence surveillée, se cache une affaire
d?Etat qui n?en finit pas de terroriser l?ex-numéro 4
de l?ex-junte dirigée par le général Guei, mais aussi
et surtout, ses indéfectibles alliés de la France
barbouzarde? 
Le fracas des armes et le bruit des rumeurs provoquées
par la «guerre de six jours de la France contre la
Côte d?Ivoire» menée en novembre a désormais cessé.
L?heure est aujourd?hui aux enquêtes, que le
gouvernement et la justice militaire mènent avec le
plus grand soin. Que s?est-il réellement passé pendant
cette période tourmentée ? Quels ont été les contours
de l?opération de déstabilisation dont la France est
l?actrice la plus évidente, mais qui bénéficiait de
nombreuses complicités locales ?
Implacable, la vérité se révèle sous la forme la plus
crue, et est terrible pour le général Doué.

Au commencement, il y avait Abou «Nêguê»

Son pseudonyme (Nêguê signifie fer en Bambara),
Coulibaly Abou, aide de camp de l?épouse de l?ancien
chef d?état-major des armées ivoiriennes, ne l?aura
pas porté en vain. Au centre de toute l?opération qui
devait emporter le régime Gbagbo au soir du dimanche
07 novembre 2004, Abou «Nêguê» a été l?instrument clé
et l?homme de confiance du Général Mathias Doué et de
son épouse. Missions secrètes dans les pays voisins
(Burkina Faso, Mali, Ghana?) et en Europe (France) ;
recrutement de mercenaires civils ou travaillant dans
le domaine de la sécurité privée, ou de «corps
habillés» endoctrinés pour la «cause commune»
(gendarmes, militaires, policiers) ; intermédiation
avec des marabouts, mystiques et «financiers» de
divers horizons? Abou Nêguê était l?ouvrier
infatigable de l?ambition présidentielle du «vieux»,
son patron et maître à penser. Habile à manipuler, sur
des bases socio-linguistiques, les esprits fragiles
des militaires en caserne ; à les «épater» en leur
brandissant des preuves de sa proximité avec «les
Blancs» ; à leur promettre garanties de maintien dans
la «Grande Muette» ou promotions en cas de réussite de
leur coup, il a commencé par instiller le venin de
l?insurrection dans les casernes. Par ailleurs, Abou
Nêguê, selon plusieurs témoignages concordants, était
l?interlocuteur de certains «honorables
correspondants», dont un Français d?origine orientale,
qui se trouvait être «le voisin de quartier» du
Général Doué. Ce Français servait d?interface entre
des officiers de la Force Licorne et leur «élu»,
qu?ils souhaitaient voir accéder à la magistrature
suprême. Ses trois passeports (dont un vierge) en
poche, Abou Nêguê accomplissait avec une certaine
maestria les missions à lui confiées. Il n?avait pas
peur d?être «cueilli» par des autorités militaires au
parfum de son «cinéma» : le général Doué lui assurait
couverture et protection.

Un plan «parfait»

L?opération ne pouvait pas échouer, car le général
Doué avait tout mis en ?uvre à travers son «âme
damnée», Abou Nêguê. Entre les deux, le mot de passe
était une expression malinké très expressive : «tô
monan» (ndlr : le plat est cuit). Ce «plat», ils
voulaient le manger avant le 15 octobre, la date
prévue par le chronogramme d?Accra III pour le début
du DDR? et la fin de la rébellion armée ! Dans la
première moitié du mois d?octobre, le général Doué,
toujours par l?intermédiaire d?Abou, reçoit à sa
résidence des membres influents de la rébellion, en
provenance de Bouaké, Korhogo et Séguéla. Selon les
témoignages que nous avons recueillis, la rencontre
aurait duré quasiment toute la nuit. Sans doute les
derniers réglages ont-ils été goupillés en cette nuit
décisive. Quelques jours plus tard, Abou Nêguê
distribue 84 portables à ses recrues majoritairement
basées dans la commune d?Abobo. Puis, il reçoit des
mains du général Doué une grosse enveloppe bourrée
d?argent. «Cinquante mille francs par personne !» :
c?est l?instruction qui lui est donnée. Toujours dans
le cadre des derniers réglages, Abou Nêguê s?en va en
France, dans la foulée de l?épouse du général Doué. Il
revient de Paris avec des équipements militaires, en
l?occurrence 150 cagoules, des bérets verts (des
commandos-marins) et des paires de gants. 
Dans la même semaine, les FANCI, avec à leur tête le
commandant des opérations, le colonel Philippe Mangou,
déclenchent l?opération «Dignité». «Gbagbo part en
guerre sans l?armée», titre alors en grande «Une» le
principal quotidien proche du G7, qui soutient
passionnément le CEMA d?alors contre le ministre de la
Défense, René Amani, et la «légion de l?Honneur»,
dirigée par le colonel Philippe Mangou. C?est que Doué
et ses hommes s?activent à miner la Grande Muette de
l?intérieur, à tel point qu?une attaque sur le
bataillon d?infanterie sol-air d?Akouédo, sous le
commandement du colonel Tiémoko (lui-même informé du
complot), n?est déjouée qu?en raison des difficultés
de communication entre les «assaillants» et les
«ennemis intérieurs».

Novembre, le mois de l?action

La reprise des hostilités par les FANCI accélère le
plan Doué. «Si Gbagbo commence la guerre, c?est sa fin
!», assène dans la presse Sidiki Konaté, porte-parole
de la rébellion, fort des assurances de ses «amis»
loyalistes. «L?armement ne se lève pas seul pour venir
faire la guerre. Il faut des hommes et nous savons
qu?ils n?ont pas les hommes pour faire la guerre et
que le FPI est en train de se mettre dans une logique
qui va le perdre», tonne, sûr de lui, Guillaume Soro.
Mis à l?écart de l?opération, Doué est paradoxalement
remis en selle par l?Alliance de la jeunesse pour le
sursaut national, qui lui donne l?occasion d?être
associé, au moins dans l?esprit des Ivoiriens, à une
opération «Dignité» qu?il combat farouchement. Ses
talents d?illusionniste sont sa première qualité !
L?entrée brutale de la Force Licorne dans le conflit
comme puissance belligérante tue au sein du bloc Doué
l?angoisse née des bombardements loyalistes et de
l?abdication totale de la rébellion. Le samedi 6
novembre aux environs de 18 heures, au moment où les
populations affluent dans les rues de Yamoussoukro et
convergent vers le 43ème BIMA à Abidjan, Abou Nêguê se
rend à l?ambassade de France au Plateau, et en ressort
avec des documents phonographiques et vidéo «secrets»
qui l?enthousiasment au plus haut point. «Ils n?ont
qu?à sortir, ce sont des animaux. Quand on va en tuer
20 ou 30, ils vont tous fuir ! Actuellement, tout est
fini !», se dit-il à la vue des résistants ivoiriens
déboulant dans les avenues de la capitale économique.
Il a des motifs d?y croire : quelques heures plus
tard, un hélicoptère Gazelle mitraille, plusieurs fois
de suite, la résidence du président Laurent Gbagbo à
Cocody. Le dimanche 7 novembre, les Français donnent
leur onction au général Doué et l?assurent de leur
soutien s?il devait prendre le pouvoir. C?est le jour
décisif où le destin de la Côte d?Ivoire doit
basculer. Mais?

La grande frousse du général

?Malgré les assurances du général Poncet et sa
disponibilité à accompagner discrètement son homologue
ivoirien à la maison de la télévision à Cocody pour
faire sa déclaration solennelle de prise de pouvoir,
le CEMA ivoirien «hésite» à la vue des dizaines de
milliers de manifestants qui ont pris d?assaut cet
édifice stratégique. Ce qui n?empêche pas la force
Licorne, qui veut lui démontrer son engagement à aller
jusqu?au bout de la «mission», d?implémenter le plan.
Les Ivoiriens sont-ils massés autour de la RTI ?
Qu?importe. La France installera une sorte de
forteresse ? à la fois base militaire et Palais
présidentiel provisoire ? à l?Hôtel Ivoire, qu?elle
entoure de plus de 100 chars. Des tireurs d?élite
appartenant au Commandement des opérations spéciales
(COS) français, spécialiste des actions de l?ombre,
corps d?origine du général Poncet, s?installent dans
l?établissement où le colonel Destremau loue une
quarantaine de chambres. Seul problème : Doué manque à
l?appel. «Qu?est-ce que vous venez faire ici ?»,
demande un des hauts responsables de l?Hôtel à
Destraumau. «Demandez au général Doué, il est au
courant de cette arrivée?» Licorne «mouille» Doué aux
yeux du camp présidentiel pour s?assurer de son
irréversible basculement. «Nous ne partirons que si le
général Doué vient personnellement ici», affirme
Destraumau devant le chef de cabinet du chef de l?Etat
dépêché à l?Ivoire, et qui manque de provoquer un
esclandre. C?est à ce moment que Mamadou Koulibaly, le
président de l?Assemblée nationale, informé des
intentions réelles du général Doué, entre en contact
téléphonique avec le colonel Destraumau et sollicite
une rencontre. La Licorne a désormais besoin de
trouver une voie de sortie face à ce surgissement
inattendu, à la marée humaine qui l?assiège et à un
général Doué hésitant. Certes, les noms des généraux
Palenfo, du colonel Tiémoko (ancien chef de corps du
Bataillon d?infanterie d?Akouédo) et même d?Abou Nêguê
(dans un premier temps) sont évoqués. Mais les choses
se mettent mal en place, la résistance ne faiblit pas.
L?étrange conférence de presse où, devant un président
Koulibaly ironique, les généraux Poncet et Doué
multiplient piteusement les dénis face aux rumeurs ?
notamment celle de la présence d?ADO dans un des chars
de la Licorne, qui n?est sans doute qu?une manière de
désigner le péril sans diviser l?armée ? signe la fin
de l?aventure «tô monan».

Par Théophile Kouamouo et David Youant


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"A Black Belt is a White Belt who never quit"
Aikido.

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