ENJEUX SOCIALISTES ET REPUBLICAINS
Conférence de presse de Gaspard-Hubert LONSI KOKO
Centre d'Accueil de la Presse Etrangère (CAPE) - Maison de Radio France
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AUX OUBLIES DE LA REPUBLIQUE
Aux oubliés de la République Française, où que nous soyons, peu importent nos origines, notre condition sociale, nos croyances religieuses, j'apporte le ferme espoir d'une France Plurielle dans une République indivisible consciente de l'apport constructif de ses enfants venus d'ailleurs !
L'émotion et la détermination qui m'animent en ce moment me poussent à dire avec fierté que nous sommes des citoyens français à part entière. Et si l'on nous considère comme tels, alors pourquoi, par rapport aux Français "dits" de souche et à ceux qui sont originaires d'Europe, accomplissons-nous plus de devoirs et bénéficions-nous de moins de droits ?
Je suis convaincu du souci de quelques républicains de voir émerger la reconnaissance, le respect et le mérite de tous les citoyens, indépendamment de leur origine et de leur rang social. Tout comme je suis persuadé de la mauvaise volonté de beaucoup de femmes et d'hommes politiques français qui, par mesquinerie, égoïsme et esprit de division, bafouent les valeurs que la France a toujours défendues : à savoir la Liberté, l'Egalité et la Fraternité, auxquelles il faudrait ajouter la Solidarité et la Justice sociale.
Notre histoire commune date de temps immémoriaux. L'esclavage, la colonisation, la décolonisation et la coopération font partie de l'Histoire de France. Cette histoire s'est brillamment exprimée, en toute fraternité, pendant les Guerres de conquête ou de libération. Pensons à ces tirailleurs, venus de loin pour défendre notre pays contre l'occupation nazie. A cette période où notre pays était dominé et humilié, l'apport des colonies et des DOM-TOM a été déterminant. Ainsi avons-nous pu retrouver notre grandeur et notre dignité.
Dans ces conditions, la sagesse me susurre que nous devons, nous Français d'ici et d'ailleurs, comme des vieux compagnons, nous donner la main afin de constituer une gigantesque chaîne d'union arc-en-ciel. Cette France qui, dans le passé, a prouvé dans la souffrance et la difficulté sa combativité, sa force et son talent, est celle que nous voulons aujourd'hui et demain.
En tant que citoyens français, nous avons des objectifs communs : l'égalité des chances, la lutte contre la misère et les discriminations, le respect de la République, le sens des responsabilités, le changement des mentalités, la justice, l'assistance mutuelle, le progrès social et économique... Alors, bâtissons ce monde où la solidarité ne sera pas un vain mot, où la paix occupera une place prépondérante.
En ce début du troisième millénaire, nous éprouvons la nécessité d'écrire une nouvelle page de l'Histoire de France. C'est en brisant les barrières de la discrimination que nous ferons triompher les droits fondamentaux, les ferons connaître à travers le monde et les défendrons partout où ils sont ignorés. Offrons cela à l'Humanité pour recevoir quelque chose d'elle.
Sans Justice sociale, pas de stabilité politique. Sans partage de pouvoir, pas de cohésion nationale.
Les inégalités et les discriminations, à force de se creuser, à force de les maintenir ou de les entretenir, finiront par engendrer les injustices et autre repli communautaire. A défaut de prendre en compte ces maux et de les traiter sérieusement, notre pays est aujourd'hui exposé à l'insécurité, au vandalisme et à l'irresponsabilité. Cette situation ternit son image à l'extérieur, mine et décourage les bonnes volontés à l'intérieur, désespère de plus en plus les citoyens et fait perdre la crédibilité à l'ensemble de la classe politique. Plutôt que de monter systématiquement une communauté contre une autre, il vaudrait mieux valoriser leurs apports respectifs pour le développement de la France.
Les Français d'origine non-européenne n'ont donc pas attendu que l'on veuille bien savoir s'il faut, oui ou non, accorder à leurs parents le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales pour soulever tous ces problèmes qui handicapent la société française. Ils sont désormais capables de dire et de faire savoir ce qu'ils veulent pour la France, car ils sont Français.
C'est une lourde responsabilité que d'avoir possédé, dans le passé, des territoires et départements à travers le monde et de se situer en tant qu'Etat à la fois dans les hémisphères Nord et Sud. Alors, servons-nous de cette particularité pour consolider la spécificité française. La vraie richesse de la France, ce sont ses ressources humaines. Là réside sa force, voire sa grandeur.
Notre France doit, grâce au creuset et à la synthèse de ses cultures autochtones et celles venues d'ailleurs, faire émerger le fondement d'une Nation dont les citoyens auront les mêmes devoirs et jouiront des mêmes droits. Ce n'est, malheureusement, pas le cas aujourd'hui.
Nos valeurs républicaines nous interdisent de rester figés. Nous dénonçons une France monocolore dans les instances des partis politiques, dans les conseils municipaux et régionaux, dans les assemblées cantonales, départementales et parlementaires, dans les conseils d'administration des entreprises, dans les centres de recherches, à la télévision et dans les médias... alors que, dans le même temps, elle est multicolore dans tous les espaces publics.
Nous dénonçons les partis politiques qui ne fonctionnent que par cooptation, au lieu de privilégier les compétences et l'ancienneté. La République, de la même façon que le soleil brille gratuitement pour tout le monde, doit ouvrir ses portes à tous les compatriotes.
C'est pour cela que je dis NON aux discriminations à l'embauche, aux mandats électifs discriminatoires, à l'accès discriminatoire au logement ou aux crédits bancaires.
Je dis NON à la marginalisation des citoyens, à la stigmatisation des plus fragiles, à la mise à l'écart de ceux qui n'ont pas la tête, ou la couleur, qui convient. Je dis NON à cette France frileuse, restreinte et restrictive.
Appliquons à tous les citoyens français la même règle, accordons-leur réellement les mêmes droits dans la mesure où ils ont déjà les mêmes devoirs. Nous en avons assez qu'à compétence égale, la récompense soit très souvent inégale. L'accès aux commandes de la République, aux instances des partis politiques, aux directions d'entreprises, aux grandes écoles, doit se faire selon le mérite, selon l'aptitude... Encore faut-il avoir l'occasion de prouver ses aptitudes et ses mérites. Aux pays des Droits de l'Homme et du Citoyen, on ne peut pas impunément écarter certaines personnes de la jouissance ni de la gestion de la chose publique. Une nation qui ne se préoccupe pas de la non-égalité des citoyens dans son administration commet une faute morale et politique qui finira par détruire la cohésion sociale.
Nous autres citoyens français qui n'avons pas encore atteint le seuil de l'Egalité, nous devons nous prendre en main en toute légalité. Nous bénéficions d'une arme efficace, c'est-à-dire le droit de nous inscrire sur les listes électorales. Le fait de voter massivement nous permettra à la fois de changer les pesanteurs institutionnelles et de sanctionner ceux qui nous ignorent.
Cessons donc de nous lamenter. Ne nous divisons plus. Responsabilisons-nous. Impliquons-nous activement dans la vie socio-économique et politique de notre pays. Apportons notre pierre à l'édifice commun. Notre respectabilité viendra de notre propre capacité à nous faire une place dans une société où l'individualisme tend de plus en plus à devenir la valeur fondamentale. De l'humiliation non-méritée doit jaillir la prospérité créative. Persévérons, car le salut viendra du changement des mentalités et de la volonté d'avancer ensemble vers une autre France.
J'annonce sans complexe, qu'en dépit des souffrances et des humiliations, je reste très optimiste. De plus, ayant confiance en notre volonté de sortir à tout prix de l'impasse dans laquelle nous sommes confinés, je sens que très bientôt les forces de l'Histoire réajusteront le paysage social, économique et politique de notre pays.
A tous les oubliés de la République, je lance ce message de fraternité. Je salue la bravoure des femmes, des hommes, des enfants qui, dans la dignité, essaient de sortir des ghettos dans lesquels ils sont injustement parqués. Ils seront les "héros de demain", car, à leur manière, ils oeuvrent pour un idéal républicain.
Ma compassion va également aux exclus de la société, aux minorités, aux victimes des dictatures de toutes sortes qui se ressourcent dans notre pays dans l'attente du retour chez eux. Elle va incontestablement aux sans-papiers qui ne demandent qu'un peu de considération et de dignité dans un pays de droit.
Je compatis avec les diplômés restés longtemps chômeurs à cause de leurs origines, avec celles et ceux qui sont systématiquement en proie aux incessantes tracasseries administratives et aux contrôles policiers intempestifs ou exclusifs, alors qu'ils ne demandent qu'à être traités dans le respect des lois.
A nous tous, je dis : continuons d'oeuvrer pour que nos divergences se transforment en complémentarité ; oui, continuons d'offrir à la France le meilleur de nous-mêmes ; oui, continuons de lui faire prendre conscience de la richesse de sa pluralité, de son universalité, pour qu'elle nous reconnaisse à jamais comme ses citoyens légitimes.
Que cette France se construise non seulement avec nous, mais aussi grâce à nous !
Que vive la France plurielle dans une République indivisible !
Fait à Paris, le 10 février 2004
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