Bloqués à Bouaké, les rebelles ivoiriens vitupèrent
l'armée française
(Le Monde 01/10/2002)
Le discours des militaires rebelles à l'égard de la
France est en train de changer à Bouaké, la deuxième
ville de la Côte d'Ivoire et le quartier général des
insurgés. Le ton bon enfant du début fait, de plus en
plus, place à l'animosité et à la colère. La raison
tient au comportement des soldats de l'armée
française. Il n'est plus du goût des rebelles, qui,
depuis le 19 septembre, contrôlent l'agglomération de
quelque 600 000 habitants, située au c?ur du pays.
"Les Français nous ont demandé de leur laisser le
temps d'évacuer leurs ressortissants. On a accepté.
Ils ont été évacués. Mais on constate que les
militaires, eux, sont toujours là et qu'ils nous
empêchent de passer. Il faut qu'ils partent. Sinon on
va les attaquer."Celui qui parle ainsi est le chef de
l'un des postes de garde qui contrôlent l'accès à la
ville.
Ancien officier de l'aviation ivoirienne, il commande
une douzaine d'hommes en uniforme, dont certains sont
légèrement blessés. Tous l'approuvent bruyamment
lorsqu'il s'en prend aux Français, installés avec
armes et bagages à quelques kilomètres plus à l'est,
dans les locaux d'une mission baptiste. L'officier
rebelle ? il refuse de donner son nom ? a d'autres
griefs : les Français, affirme-t-il sans l'ombre d'un
doute, abritent dans leurs bâtiments des "Angolais"
qui se préparent à les attaquer. Comment le sait-il ?
"Ils portent des bandeaux rouges autour de la tête. On
a des informateurs. On sait tout ce qui se passe à
l'intérieur", répond-il.
"PROGRESSION VERS TIÉBISSOU"
Outre les folles rumeurs, la colère antifrançaise
s'appuie sur une réalité : l'armée ivoirienne étant
aux abonnés absents, ou presque, les militaires
envoyés par Paris pour évacuer les ressortissants
contrôlent toujours la route qui rejoint Bouaké à la
capitale politique du pays, Yamoussoukro.
L'accès en est interdit aux militaires putschistes.
C'est la preuve, aux yeux des rebelles, que la France
a pris fait et cause pour le régime du président
Laurent Gbagbo, auquel elle apporte son "soutien
logistique". Pour appuyer leur démonstration, les
rebelles citent un incident invérifiable : samedi, un
hélicoptère français aurait tiré sur les mutins à
Tiébissou, une ville sur l'axe principal entre Bouaké
et Yamoussoukro. C'est là que se situe le "front"
entre l'armée régulière et les mutins. "La Côte
d'Ivoire ne possède pas d'hélicoptères, jure
l'officier. Ça ne pouvait être qu'un appareil
français." Selon lui, plusieurs personnes auraient été
blessées par les tirs. "Notre progression vers
Tiébissou se poursuit malgré tout", affirme-t-il.
L'irritation des insurgés est réelle. "Ce qui se passe
en Côte d'Ivoire est une affaire intérieure. Nous
sommes tous des Ivoiriens. Il faut nous laisser laver
notre linge sale en famille, martèle l'officier. Que
la France nous foute la paix, sinon elle va le
regretter."
Début de la médiation ouest-africaine
Au lendemain d'un sommet des chefs d'Etat
ouest-africains, une mission de médiation ? composée
des ministres des affaires étrangères et des chefs
d'état-major du Ghana, du Togo et du Nigeria ? est
arrivée, lundi 30 septembre, à Abidjan, où elle s'est
entretenue avec le président ivoirien, Laurent Gbagbo.
La délégation devra ensuite rencontrer les rebelles
dans le Nord, en vue de la négociation d'un
cessez-le-feu.
Dans la nuit du lundi au mardi, des tirs d'armes
automatiques, de mitrailleuses et de mortiers ont été
entendus à Bouaké, la principale ville tenue par les
rebelles. Ceux-ci, jusqu'à présent étonnamment
disciplinés, se seraient livrés à des pillages, selon
une source militaire française.
Bouaké de notre envoyé spécial Jean-Pierre Tuquoi
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