Après Houphouët
Mille problèmes, un exutoire : les Burkinabè
Très récemment, la Côte d'Ivoire a décidé de démobiliser plus de 700
militaires, car semble-t-il, ils auraient été recrutés par Robert Guéi la
bête noire du régime. Ces derniers, ont pris les armes pour marquer leur
désacord. La mutinerie en Côte d'Ivoire a entraîné la mort de 270 personnes
et blessé 300 autres. Parmi les victimes, Emile Boga Doudou, ministre de
l'Intérieur et Robert Guéi, président de l'UDPCI. Comme une tradition
instaurée par les successeurs d'Houphouet Boigny, le Burkina a été encore
indexé. Pourtant, c'est en Côte d'Ivoire même qu'il faut rechercher ceux qui
profitent des crises.
Le président Laurent Gbagbo a pris les commandes du navire ivoirien au terme
d'une décennie de difficultés dues à la chute du cours des matières
premières, l'arrêt des financements extérieurs et les errements des hommes
politiques. Apparemment incapables de faire face aux vrais problèmes qui
taraudent les Ivoiriens du fait de la crise économique généralisée, les
dirigeants de la Côte d'Ivoire qui se sont succédé depuis la mort de Félix
Houphouet Boigny n'ont pas trouvé mieux que de jeter de la poudre aux yeux
des Ivoiriens en transformant une xénophobie latente au sein de la
population en programme de gouvernement. Les étrangers (entre 26 et 35% de
la population ivoirienne selon les sources) sont devenus les responsables
des dégradations de la météo politique ivoirienne et quand la Côte d'Ivoire
qu'ils ont grandement contribué à bâtir s'enrhume, ce sont eux (les
étrangers) qui éternuent. Cela a commencé avec Henri Konan Bédié le chantre
de l'ivoirité et les discours que tiennent les autorités ivoiriennes lors de
la dernière crise en date montrent que cela ne va pas s'arrêter de si tôt.
Le ministre de la Défense, Moïse Lida Kouassi qui, manifestement surestime
les capacités de son armée a en effet affirmé qu'une intervention étrangère
aurait eu lieu à partir du Nord et que six véhicules 4x4 partis de la
frontière du Burkina et mis en déroute auraient fait demi-tour et franchit
la frontière burkinabè. On n'hésite pas à dire que les insurgés ont des
armes ayant servi dans les armées étrangères tandis que le président Gbagbo
(sans doute encore sous le coup de l'émotion causée par le fauteuil
présidentiel qui lui est tombé sur la tête en 2000) voit dans ses
hallucinations post-traumatiques que "la Côte d'Ivoire est attaquée". Propos
complètement saugrenus, car une armée professionnelle comme celle du Burkina
ne songerait pas à envahir la Côte d'Ivoire avec six ridicules
tout-terrains.
Ce qui est sûr, les conséquences de ces bavures politiques sont là. Des
milliers de Burkinabè sont à nouveau les souffre douleurs de certains
Ivoiriens. Leurs baraquements sont pillés par une prétendue armée beaucoup
plus guidée par son ventre que par tout autre considération. Le Consulat du
Burkina à Bouaké a été saccagé, le personnel violenté, la famille du Consul
molestée. Suprême injure de la part de gens qui se croient au-dessus des
autres.
La Côte d'Ivoire lutte contre ses propres démons
Dès les premiers coups de feu en Côte d'Ivoire, on a parlé de mutinerie,
puis de coup d'Etat. Maintenant, on parle d'agression extérieure et c'est le
Burkina qui est mis en cause sans une once de preuves. Mais à y regarder de
près, l'on voit que cette mutinerie (coup d'Etat ou attaque), ne profite
aucunement au Burkina ni à sa diaspora vivant en Côte d'Ivoire. L'intensité
des échanges marchands et humains est telle que si la Côte d'Ivoire,
subissait une secousse tellurique, l'onde de choc se ressentirait de
Niangoloko à Diapaga. Le Burkina compte plus de 3,5 millions de
ressortissants en terre ivoirienne et ce n'est pas le ministère de l'Action
sociale, et certaines associations qui se démènent pour adoucir le retour
forcé d'immigrés burkinabè de la Côte d'Ivoire qui diront le contraire.
Au contraire, à la réflexion, on voit que c'est Laurent Gbagbo qui est le
principal bénéficiaire de cette crise.
Primo, cela lui a permis de se débarrasser d'un rival politique qui se
montrait de plus en plus encombrant par ses propos corrosifs envers le
régime paranoïaque de Laurent Gbagbo : le général Robert Guéi. On n'oublie
pas en effet, que pas plus tard qu'en mi-septembre, ce dernier traitait le
chef historique du FPI de boulanger roulant ses adversaires politiques dans
la farine et martelait que la Côte d'Ivoire souffrait de "complotite aiguë".
Il n'en fallait pas plus pour voir en lui, le levain des remous et pour
décimer sa famille. Il reste à espérer pour Gbagbo que l'ethnie Yacouba dont
le défunt président est originaire ne soit pas tentée par une vendetta.
Secondo, cette crise permet à Gbagbo et aux tenants de l'ivoirité de
pourquoi pas, piller et chasser les travailleurs immigrés, les Burkinabè en
l'occurrence. Ce qui s'est passé dans les banlieues d'Abidjan en est la
triste illustration.
Tertio, cette mutinerie-coup d'Etat-attaque attire suffisamment l'attention
au point d'occulter des affaires bien embarrassantes pour la Côte d'Ivoire
comme celle des deux milliards volés à la BCEAO d'Abidjan et celle de
l'assassinat de Balla Kéita en Août dernier à Ouagadougou. D'ailleurs, à la
lumière de ce qui se passe en Côte d'Ivoire, on peut se demander si le
meurtre de ce dernier par des tueurs venus du bord de la lagune Ebrié
n'était pas le signe précurseur d'une nuit de longs couteaux qui devait
emporter ceux qui faisaient de l'ombre au pouvoir.
Le très sérieux quotidien français Libération vient de révéler un autre
aspect de l'affaire en écrivant que "la prétendue mutinerie cache une guerre
au sein du gouvernement". Pour l'auteur de l'article, une guerre sourde
opposait Emile Boga Doudou, le ministre de l'intérieur à Moïse Lida Kouassi,
son collègue de la Défense. C'est ce dernier qui l'a emporté sur le premier
qui faisait peur à ce qu'on dit, même au président. L'article conclut que
"les mutins n'en sont pas : soit, ils ont été manipulés, soit ils
travaillent en service commandé. Maintenant, il s'agit de les faire taire en
les éliminant et de détourner l'attention en criant à l'infiltration
extérieure, en désignant à la vindicte populaire les travailleurs immigrés
burkinabè. La thèse du complot extérieur a aussi l'avantage de forcer la
France à appliquer l'accord de défense qui lie les deux pays depuis 1962".
Véritable mutinerie ou mise en scène, cette crise ne pouvait pas mieux
tomber pour les autorités ivoiriennes pour espérer renforcer le pouvoir
dictatorial du FPI.
Désiré T. SAWADOGO
L'Hebdo du Burkina
Cyriaque Paré
http://www.burkinet.com
http://www.burkina.org
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