Puisqu'il semble que la liste est calme comme un
chasseur surprit par un gorille sous un manguier, je
vais vous raconter la suite des aventures de
Tcheckroba.
Disons que beaucoup de choses se sont passees depuis
la fois ou Tcheckroba est arrive dans la ville de
Kotadala. Et Tchekroba pour ceux qui l'ont oublie
etait bien respecte dans son village, mais depuis le
soleil des indepenance, tout avait change. Ainsi a
qui mieux mieux Tchechroba essayait de se mettre au
rythme de la vie citadine, mais il y a des habitudes
qui se perdent difficilement sous le soleil africain.
Un soir, apres qu'il ait englouti le kabato (patte de
mais cuite servie sous forme de beignet et qui se
mange avec une sauce gluante). C'est pas facile de
manger le kabato. Ca ne peut se manger a la cuillere,
quelque soit votre degree de civilite et de bonne
maniere a table, lorsque vous etes en face du kabato,
il vous faut choisir entre manger ou ne pas manger.
Disons aussi qu'il n'est pas eleguant et digne de
macher le kabato. Parce qu'il n'y a rien a macher, la
boule de mais a deja ete pilee, bouillie, et
transformee pour que tout l'effort que vous ayez a
faire, soit de la mettre dans votre bouche et la
langue aidant la pesanteur, le kabato se retrouve dans
votre estomac sous les pulsations peristaltiques et la
bonne sauce de gombo. C'est donc apres avoir remplie
sa panse de kabato que Tchekroba se souvint de la
necessite d'avoir un regime alimentaire complet. Et
comme toujours les femmes sont les seules responsables
de ce service.
"hey, Mariam, pourquoi y'a pas de viande dans la
sauce?"
"eh Tche, y'avait viande dans la sauce la, tu n'as pas
vu?" repondit la belle epouse du vieux Tchekroba.
"Petit morceau de viande la, c'est ce que tu appelles
viande?"
"Ah Tchekroba, viande est cher au marche, l'argent que
tu as donne la, c'est tout ce que c'a pu acheter".
Le vieux Tchekroba s'arreta quelques minutes,
reflechit, et hocha la tete. Il venait de trouver une
solution a son probleme. Ce soir, il irait lui meme
chercher de la viande fraiche ou la viande se trouve.
Le viel homme entra dans sa maison, prit son fusil
vint s'asseoir sous son manguier, et arme d'un bout de
tissue commenca a essuyer le calibre de son arme. Ce
fusil lui avait assez servi au village pour abattre
gazelles et phacopheres. Ici a Betadougou, il n'avait
pas eu le temps d'aller chasser. Le vieil homme enfila
son boubou de dozo, pris sa torche, s'arreta chez le
mauritanien du quartier pour renouveler les piles de
sa torche et disparu dans la nuit.
Tchekroba marcha vers la foret, mais pendant qu'il
avancait vers l'horizon, il lui semblait que la foret
reculait. IL y avait toujours une habitation qui
sortait de nul part. Tchekroba n'aimait pas cette
histoire de developpement. Et la pensee d'une bonne
cuisse de gazelle dans la sauce d'aubergine le
motiva a continuer. Apres environs quelques
kilometres, le vieil homme se trouva a la porte de la
foret.
Enfin!
"Maintenant il faudra que je fasse moins de bruit" se
dit Tchekroba. Il fixa sa torche a sa tete , pris
son fusil des deux mains et avancait a pas feutre.
Surtout pas de bruit. Il pouvait surprendre un biche
ou un agouti s'il faisait moins de bruit. Il avancait
doucement, les oreilles tendues, il guettait.
Tout a coup, le vieil homme emit un long
tchrrrrrrrrlllllllllll, suivit d'un koutoubou.
"o tei maloya" (ils n'ont pas honte).
Il venait de marcher les deux pieds dans un dechet
fraichement depose par un humain inconscient et mal
eleve. Generalement ces feces ne sentent de plus belle
que lorsqu'on marche la dedans. Tchekroba fumait, il
etait en colere, les jurons fusaient en cascade. Apres
avoir tente de s'essuyer comme il le pouvait, se
rappela la cause de cette balade nocturne. Il se
ressaisit et continua son chemin.
IL marcha encore des kilometres, et se retrouva dans
une clairiere. Il traversa un ruisseau. Tout devient
tout a coup tres calme dans la foret. Les cigales
avaient cesse de chanter, les lucioles avaient elles
aussi decide d'eteindre leurs lumieres. Tchekroba
etait pret, car il savait qu'il n'etait pas seul dans
cette foret. Doucement il leva les yeux, et rencontra
de gros yeux brillants qui le regardaient. Une sueur
froide coula dans le dos du vieil homme. Il ne savait
pas s'il fallait presser sur la gachette ou s'armer
d'un batton. Perche sur la branche d'un baobab, un
hibou regardait Tchekroba. Dans cette partie de
l'Afrique, les hibous etaient les ennemis des
chasseurs, car ces oiseaux etaient des oiseaux de
mauvaises augures. Et la derniere chose que desire un
chasseur c'est la malchance. Tchekroba ne craignait
pas l'oiseau mais le sort que cette rencontre lui
reservait. L'homme recula, se baissa doucement,
ramassa une branche et la balanca vers l'oiseau. Le
hibou s'envola apres avoir emit son habituel "hou hou
hou". Lorsque Tchekroba repris son souffle, la suite
des evenments ne lui permit pas d'en jouir.
Sa torche s'eteint.
"non! non! non, pas possible" koutoubou!
Il deposa vite son fusil au sol, pris sa torche, la
secoua et essaya de l'alumme. Aucune lumiere.
Koutoubou!
Tchekroba avait oublie les cuisses de gazelles et de
biches. Les gouttes de sueur qui degoulinaient de son
front auraient pu si elles etaient canalysee,
produire assez d'electricite cette nuit la pour
eclairer toute la foret equatoriale et meme
sub-equatoriale.
Et comme un malheur n'arrive jamais seul, des bruits
insolites commencaient a se faire plus entendre. Peut
etre que les bruits avaient toujours ete la, mais avec
la torche qui avait decide de le lacher, seul dans ces
tenebres, derriere chaque son qu'il entendait pouvait
se trouver, une vipere, une panthere, un lion, une
hyene. Le vieil homme ne savait plus si ce qui coulait
le long de sa cuisse etait l'eau du ruisseau qu'il
avait traverse plus tot ou s'il venait de pisser sous
l'effet de la peur.
Koutoubou!
Tchekroba n'etait pas pret a mourir...
Mais la nuit africaine etait prete a lui reveler ses
travers.
(A suivre)
Vous imaginez deja qu'un cadavre va mourir...
John Tra
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